di Anna Proto Pisani

Il sogni « Fantastise », Fantastiche ou fantasias ou pure che si fà dei volta è a realta.

Per me un sogno ogni volta e una illusione mà del volta è una realta della vita.

De cosa gia acaduta al passato ou che cade al presente futuro.

So che non si puo razonare con il sogne.

Fernanda Farìas de Albuquerque

 

Eléments de l’histoire: une rencontre carcérale.

 

Souvent, l’immigration rencontre l’Italie dans son intimité la plus profonde, dans son tissu carcéral, par exemple, au sein d’une prison. Parfois, les parcours des migrants se lient au parcours de l’histoire politique italienne, et dans une prison italienne des anciens terroristes des Brigades Rouges ont rencontré les premiers transsexuels brésiliens immigrés en Italie. Princesa est un livre né de ces rencontres extraordinaires. Extraordinaires dans le sens qu’elles ont eu lieu hors de l’ordinaire, dans la prison romaine de Rebibbia. A la fin des années 1980 les détenus politiques, anciens terroristes, n’étant plus soumis au régime de détention de sécurité, sont déclassés avec les détenus de droit commun, le terrorisme étant considéré comme un chapitre clos de l’Histoire. En même temps, les premières vagues d’immigration touchent l’Italie et parmi elles, celle de l’immigration de veados, les premiers transsexuels, en provenance notamment de l’Amérique Latine et plus particulièrement du Brésil. Il s’agit d’une nouveauté absolue pour l’Europe et pour l’Italie. C’est ainsi qu’au début des années 1990, Fernanda Farìas de Albuquerque, transsexuelle brésilienne, arrivée en juillet 1988 en Italie et emprisonnée en avril 1990 pour une tentative d’homicide, à cause de tensions dans le milieu de la prostitution et de la drogue, rencontre le détenu sarde Giovanni Tamponi, ancien berger, emprisonné pour vol en bande armée. Tamponi écoute cette histoire de vie et incite Farìas à l’écrire. L’origine de ce récit est donc liée à l’origine même de la littérature, une voix qui raconte, grâce à cette rencontre entre Giovanni et Fernanda. Auparavant, soumis à un régime de détention de sécurité, Giovanni Tamponi, avait connu un groupe d’anciens terroristes, parmi lesquels Renato Curcio, Nicola Valentino, Stefano Petrelli et Maurizio Iannelli qui avaient mis en place des processus d’écriture en milieu carcéral. Ceux-ci avaient été suscités par les intellectuels brigadistes, comme un moyen de résistance, d’évasion par rapport à l’isolement et à l’enfermement de la prison, comme le maintien d’un contact avec les évolutions du monde extérieur, à travers les récits des aventures des nouveaux détenus. De cette réflexion et de ces expériences d’écriture est née la maison d’édition Sensibili alle foglie, fondée à Rome par Renato Curcio en 1990.

Par l’intermédiaire de Giovanni Tamponi, Fernanda Farìas de Albuquerque entre donc en contacte avec l’ancien brigadiste Maurizio Iannelli. C’est ainsi qu’un processus de narration et d’écriture est mis en place autour de cette rencontre entre trois détenus et trois histoires de vie profondément différentes.

 

Les frontières de la réécriture : trois typologies textuelles différentes.

 

Le but de cet article est de montrer quels sont les enjeux autour de la réécriture du manuscrit original du récit de Princesa, jusqu’au livre signé à quatre mains, puis à la chanson écrite à partir du livre par le chanteur compositeur Fabrizio De André. Comment le livre a-t-il réécrit le manuscrit original ? Quelles traces en garde-t- il ? Quelles transformations sont-elles à l’œuvre du livre à la chanson ? De quelle manière la subjectivité de chaque auteur se reflète-t-elle dans son écriture ? Nous nous proposons surtout de mettre en évidence comment les procédés de réécriture permettent de dévoiler certaines questions clés de la littérature de la migration et certains fonctionnements de la littérature en général.

Les trois objets textuels que nous allons prendre en examen sont profondément différents, tout en dérivant l’un de l’autre. Tout d’abord le texte original, manuscrit, écrit par Fernanda Farìas de Albuquerque, jamais publié en tant que tel à ce jour (seuls l’ont été quelques extraits)[1]. Il s’agit d’un ensemble important des carnets et cahiers, notes, photos, lettres et cartes postales adressées à Maurizio Iannelli, et de la retranscription des interviews de Farìas réalisées par ce dernier. Nous avons pu prendre connaissance du manuscrit grâce à notre rencontre avec Iannelli. Les carnets et les cahiers ont été dactylographiés ensuite par Maurizio Iannelli dans un ensemble qui porte le titre de Princesa. Sono venuta di molto lontano. Notre analyse porte essentiellement sur cette réduction du plus vaste manuscrit initial, réduction qui a constitué la base de la réécriture de Iannelli. Ce document dactylographié, en effet, témoigne déjà de la première phase du processus de réécriture. Il s’agit d’un document intermédiaire entre manuscrit et livre édité, car les textes, tirés des carnets et cahiers, sont organisés, aménagés par Iannelli selon l’ordre chronologique des événements, depuis l’enfance de Fernanda, jusqu’à la description de l’incarcération et de la vie dans la prison de Rebibbia, et non pas selon l’ordre parfois rhapsodique de l’écriture de Farìas de Albuquerque. De plus, cette transcription constitue un véritable canevas pour une autre écriture car elle porte les annotations de Iannelli écrites à la main : notes de lecture, mise en évidence de passages et premières pistes de création. Le manuscrit de Princesa sous toutes ses formes (carnets/cahiers, cartes, photos, lettres et canevas intermédiaire dactylographié par Iannelli) est un ensemble très différent du livre édité, tout d’abord au niveau linguistique. Il s’agit d’un document authentique de la langue de Fernanda Farìas de Albuquerque, un pastiche linguistique, une langue hybride, marquée par l’oralité, mélange de brésilien dialectal et de l’italien de rue ; en effet son auteur avait fait très peu d’études, se limitant, comme elle l’évoque dans son récit, aux premières années de collège[2] et ensuite elle avait appris l’italien en se prostituant sur les trottoirs de Milan et Rome. On remarque aussi que cette langue porte la marque de la prononciation dialectale sarde, en effet Fernanda avait réappris l’italien en prison par l’intermédiaire de Giovanni Tamponi, et donc elle enrichit souvent ses mots de doubles consonnes caractéristiques de la prononciation sarde de l’italien et des quelques expressions dialectales. Il s’agit donc d’un exemple authentique d’interlangue de la migration, un document de valeur linguistique et anthropologique remarquable, en tant que témoignage d’une manière de parler italien, en situation d’immigration, particulière au milieu de l’immigration transsexuelle brésilienne, au début des années 1990.

Les différences avec le livre concernent également le contenu du manuscrit qui s’étend aussi bien sur la vie en prison, la description du secteur des transsexuels, les rapports entre détenus, et, dans les lettres, sur le retour au Brésil, qui suivit l’expérience italienne et carcérale.

Enfin, se pose la question du genre littéraire, car pour le manuscrit il s’agit d’un journal intime à caractère rétrospectif, qui vise à reconstruire une histoire de vie (chaque portion de texte mentionnant en effet date et lieu de composition). Il s’agit donc d’une écriture autobiographique, populaire, première étape littéraire et premier signe de la prise de parole de la part d’un sujet en construction, le sujet queer[3], une écriture d’autant plus rare et précieuse.

 

Le deuxième texte que nous allons examiner est la réécriture du manuscrit original, opérée par Maurizio Iannelli, qui a donné lieu au livre édité[4]. Dans ce processus, Giovanni Tamponi a été un intermédiaire important, même s’il ne figure pas parmi les auteurs. Tout d’abord, il a sollicité la narration ; ensuite, il a permis la rencontre entre Farìas de Albuquerque et Iannelli ; enfin, il a eu un rôle aussi dans la réécriture même, car il a retranscrit, ou plus exactement traduit en italien standard, tous les cahiers de Farìas, en établissant également un glossaire, qu’il a remis à ce Iannelli avec le manuscrit original. Le livre a donc été écrit à partir de l’ensemble du manuscrit de Farìas et de la réécriture/traduction que Tamponi avait faite. Cependant, d’autres sources, textes et narrations sont également à l’origine du travail de réécriture de Iannelli, et auteur lui-même en témoigne. Notamment, les récits de cavale au Brésil d’autres détenus et surtout la lecture du Grande Sertão: veredas (1956) de l’écrivain brésilien João Guimarães Rosa[5]. Dans la réécriture du livre il ne reste pas de trace de l’interlangue originaire. Il est certain que l’italien du livre s’est nourri et construit dans une tension linguistique entretenue avec le plurilinguisme du manuscrit. Il en reste toutefois peu de traces : l’élargissement de la valeur sémantique de quelques mots (notamment le mot fantasia, comme nous allons le voir), la présence de quelques xénismes qui jouent un rôle de contextualisation par rapport au milieu brésilien, – très différent de l’usage que fait Farìas du xénisme : il est partie intégrante de sa langue-, la création de certaines images littéraires à partir des ambiguïtés sémantiques entre italien et brésilien. La première opération menée par Iannelli a été celle de dompter, ramener dans la norme, « manipuler », comme il le dit-lui même[6], faire disparaître en somme la langue de Fernanda Farìas de Albuquerque dans la recherche d’un compromis linguistique, indispensable à la construction de sa langue littéraire. Par ailleurs, les frontières du manuscrit et du livre ne correspondent pas non plus, à plusieurs égards, qui font surgir autant de questions littéraires. Le livre est contenu par le manuscrit, mais n’en contient pas l’ensemble, il reste une grande partie du manuscrit dont il n’y a pas de trace dans le livre. Le contenu du livre provient bien du manuscrit mais le manuscrit n’est pas reproduit intégralement dans le livre. Notamment, le montage du livre reprend la structure du récit des cahiers de Fernanda, l’enfance dans les campagnes de la province de Campina Grande, la fuite pour Recife, Natal, puis les grandes métropoles du Brésil, Salvador, Rio, Sao Paolo, enfin l’émigration en Europe, la prostitution à Milan et à Rome. Cependant, alors que les quinze dernières pages du manuscrit, intitulées « Eco il racconti de periodo più tragico della mia vita », se plongent dans une description détaillée de la tentative d’homicide, de l’arrestation, de la vie en prison, le livre s’arrête avec l’arrestation et une allusion à l’enfer de la prison, que le « je » narrateur du livre décide délibérément de ne pas raconter. Le récit autobiographique du manuscrit est utilisé pour une construction littéraire, avec d’autres priorités et d’autres choix d’ordre esthétique.

 

La troisième phase de réécriture, troisième texte, texte musical cette fois-ci, est constituée par la chanson Princesa du chanteur Fabrizio De André, morceau d’ouverture du dernier album Anime Salve (1996), sorti avant sa mort prématurée en 1999. Cet album s’ouvre et se termine par deux morceaux qui représentent également deux réécritures littéraires : en effet, la chanson finale, Smisurata preghiera, a été écrite à partir d’un livre, la saga de Maqurol, el gaviero, de l’écrivain colombien Alvaro Mutis[7]. L’album est contenu entre ces deux pratiques de réécriture littéraire, même si les sept chansons restantes sont composées à partir d’autres suggestions. Par ce dialogue intertextuel, De André suggère la dimension littéraire de son art, la tension entre réel et littéraire sous-jacente à son travail. Si Princesa constitue un point de départ, à partir du parcours particulier d’une vie, la chanson finale constitue le point d’arrivé de tout un engagement poétique qui a toujours mis en avant la foule des minorités, de ceux qui voyagent « in direzione ostinata e contraria » [8], obstinément en direction contraire. Ce dernier album est consacré, selon les déclarations du chanteur, à une réflexion sur le thème de la solitude «anima e salvo, ovvero spirito solitario »[9]. En approfondissant l’analyse des deux termes, selon la suggestion proposée par De André même, nous pouvons conclure que la solitude est une existence pure, au-delà des conventions de la société, conformément à l’étymologie des termes anima (âme) et salvo (sauf) : « souffle » et « intact, indemne ». Le fait d’ouvrir cet album avec l’histoire de Princesa, montre l’intérêt de De André pour l’origine même de cette possibilité d’être près de soi-même, au delà des normes de la société qui passent d’abord par l’imposition d’un sexe et sa volonté d’explorer ces zones d’ambiguïté, de clair obscur, où se joue la possibilité d’être : « il primo marchio che la società imprime consiste nell’impartire un sesso unico e definito all’individuo senza tener conto del chiaroscuro dove si nasce »[10]. Si De André a été toujours sensible à la force qui pousse au commerce du corps, notamment en chantant le parcours d’humanité des prostitué(e)s et des travestis, les chansons célèbres de Carlo Martello ritorna dalla battaglia di Poitiers (1963), Bocca di Rosa (1967), Via del Campo (1967), Jamin-a (1984), Â Dumènega (1984) le témoignant, avec Princesa il retrouve les formes les plus récentes et contemporaines de cette réalité dans les migrations contemporaines de veados latino-américains et dans la subversion inscrite sur le corps par le changement identitaire. Cette chanson s’inscrit dans une continuité avec sa production antérieure, aussi bien pour le choix d’une réécriture à partir des textes littéraires[11], que pour la thématique d’une vie vouée au travestissement et à la prostitution. Par sa position en ouverture de l’album, cette chanson est une sorte de manifeste, elle donne du relief à cette thématique et en même temps à ce procédé de réécriture littéraire. Inévitablement surgit la question de savoir pourquoi le chanteur compositeur accorde tant importance à cette figure, et si elle révèle également quelque chose de son auteur.

 

Il est intéressant d’observer qu’il existe plusieurs versions de la même chanson conservées dans les Archives Fabrizio De André auprès de l’Université de Sienne[12] et publiées par la jeune chercheuse Silvia de Santis[13]. De André était en effet engagé dans un travail progressif d’écriture et de réécriture, exigé également par le caractère collectif du travail de la popular music qui engage plusieurs auteurs, arrangeurs, musiciens, producteurs, techniciens[14], mais qui est publié sous le seul nom de De André. Notamment l’album Anime Salve a été écrit avec la collaboration d’Ivano Fossati et de Piero Milesi, même si la plupart des textes de chansons sont à attribuer à De André lui-même[15]. La version finale de Princesa est constituée par 12 strophes, correspondant à 12 séquences narratives qui relatent les étapes fondamentales de la vie de Fernanda, en relation à ses métamorphoses, reprises du livre, et par un chœur final, constitué de 30 mots brésiliens, mots emblématiques de cette vie, inventés par De André même, un seul provenant du livre (a bombadeira). Il est possible de retrouver une construction ternaire de ce texte, qui correspond également à trois moments musicaux différents : une introduction a cappella sur des bruits de rue, la composition musicale proprement dite (strophes 2- : l’enfance, se sentir femme , se comporter comme telle et rêver d’en être une; strophes 5-8 : le départ et le changement identitaire ; strophes 9-12, la prostitution et la découverte de l’amour) et le chœur final, sur une musique du nord-est du Brésil à laquelle, par la suite, se superpose la reprise du rythme de la composition.

 

Le texte de la chanson se caractérise nécessairement par une économie de parole, qui confine dans le finale à une écriture pointilliste, procédant par termes emblématiques. Le rôle de la musique est essentiel et elle suggère tout ce que le texte ne peut pas rendre avec les mots. La chanson offre une composition originale qui mélange rythmes latino-américains (variations à partir du tango, musiques hispaniques et brésiliennes) et rythmes plus propres à la musique populaire italienne. Si la chanson est écrite d’un coté en italien et de l’autre en brésilien, l’interlangue de Farìas de Albuquerque trouve son correspondant musical dans cette hybridation des musiques et des instruments expérimentée par De André et ses musiciens. En même temps, avec la chanson le cercle de la narration autour de Princesa trouve son accomplissement : engagé comme un geste oral entre les murs d’une prison, il est restitué à nouveau à son oralité et enfin libéré des barreaux et des limites de la littérature de la migration.

 

 

Ecrire à quatre mains, écrire en collaboration, réécrire, écrire …

 

La critique littéraire italienne définit la première phase de la littérature de la migration, comme une phase d’écriture a quatre mains, où l’auteur migrant est secondé par un auteur italien qui donne une forme linguistique et souvent une organisation narrative à son matériel linguistique et imaginaire, la plupart du temps de nature autobiographique[16]. Ainsi Chiara Mengozzi s’interroge sur les mécanismes de production de cette littérature autobiographique qui occupe une large partie des écrits de la migration. Elle s’interroge notamment sur les acteurs qui suscitent ces narrations et sur les modèles narratifs qui sont autorisés à émerger[17]. La réalité matérielle de la composition du livre Princesa, montre que, dans ce cas spécifique, même si le récit a été suscité dans le milieu mémorial post-brigadiste que nous avons évoqué et qui a trouvé son issue institutionnelle dans la maison d’édition Sensibili alle foglie, on ne peut pas véritablement parler d’écriture à quatre mains, mais plutôt d’écriture par superposition, stratification, où il est important de considérer chaque étape comme une réalité textuelle à part entière, indépendante de l’autre, même si la suivante s’approprie la précédente. L’appropriation et nouvelle écriture a toujours été négociée entre les auteurs : entre Iannelli et Farìas[18], entre De André et Iannelli[19]. Cependant, nous ne pouvons pas nous empêcher de remarquer que dans ces négociations et dans cette superposition successive de réécritures, la voix la plus fragile et la plus dominée au niveau social, culturel et politique, la voix queer, la voix aussi la plus originale et innovante au niveau linguistique, est celle qu’au final on a racontée et qui ne s’est plus racontée, celle dont le texte s’est perdu en chemin, n’a jamais existé de manière autonome, n’ayant, pour l’heure, jamais été publié.

Ces impasses de l’écriture à quatre mains, montrent non seulement de manière hyperbolique l’écart qui peut exister entre un manuscrit original et l’œuvre éditée dans le cadre de la littérature de la migration, mais aussi, et plus généralement elles mettent en lumière les multiples étapes et les divers acteurs qui contribuent à la création d’un ouvrage, ainsi que les rapports de pouvoir qui le sous-tendent. Dans Je est un autre, Philippe Le Jeune montre que l’écriture en collaboration autour d’un texte autobiographique, où les rapports de pouvoir sont hiérarchisés, est une écriture qui laisse des traces, qui rend transparent ce qui d’habitude est opaque et permet de dévoiler les mécanismes à l’œuvre dans la littérature[20].

La réécriture de Princesa par De André permet également de poser la question de la réception encore difficile des textes issus de la littérature de la migration. Il s’agit de l’exemple le plus important d’affranchissement d’un texte de la littérature de la migration et de réception, dans la chanson d’auteur, à défaut de la réception dans la littérature savante, comme le souligne Ugo Fracassa[21]. La chanson a permis à un texte originellement destiné à un public très restreint de bénéficier de la plus grande diffusion qui soit, s’émancipant ainsi par là-même des limites étroites de la littérature de la migration. Il s’agit de l’exemple le plus remarquable de mainstreaming littéraire[22].

A partir de Princesa, grâce aux nombreuses traces laissées autour de ces différentes réécritures, et à la volonté, de la part de Iannelli d’abord, de raconter ces traces, il est possible de soulever des questions qui relèvent de la littérature de la migration, mais aussi de la littérature tout court: concernant la multiplicité de l’instance auctoriale, la création d’une langue littéraire qui se construit dans le rapport avec une langue étrangère, les frontières poreuses entre les genres, la réception d’un texte.

Abordons maintenant la confrontation textuelle.

 

Sono la pecora sono la vacca …

 

Sono la pecora sono la vacca         
che agli animali si vuol giocare

sono la femmina camicia aperta

piccole tette da succhiare.

(strophe 1)

 

A elle seule, cette première strophe de la chanson de Fabrizio de André a rendu célèbre le livre de Princesa et a contribué à lui donner une grande notoriété. Elle se livre sans musique, comme une introduction a capella, sur fond des bruits de rue (voiture, motos, voix, rires), avant l’attaque de l’accordéon et la composition musicale proprement dite, écrite elle aussi à plusieurs. Le chant s’ouvre sur un bestiaire, les images de la brebis et de la vache du premier vers, et sur un jeu sexuel d’enfants suggéré (« giocare », « piccole tette »), minimisé et presque caché, dans une ambiguïté qui veut désigner par ces métaphores au sens le plus large la vie de la transsexualité et de la prostitution, surlignée, d’ailleurs, par les bruits de la rue qui renvoient plutôt à un monde d’adultes et à la réalité des trottoirs. « Femmina camicia aperta », troisième vers et troisième prédicat verbal, à nouveau image d’une grande force, à cause de cette apposition constituée par un substantif accolé à un autre substantif, suggère le rôle féminin que Fernanda s’attribue dans les jeux d’enfant (femmina en opposition à maschio, comme la fille), mais également son destin, lié à la prostitution (femmina comme femme, avec une nuance péjorative). Dans cette première strophe, on retrouve ainsi synthétisée en quelques images toute la chanson et l’ensemble du récit qui va du manuscrit au livre. Tout d’abord on remarque l’importance de ce passage dans le livre également, car il a aussi un rôle introductif, au début de la narration, après une page de description de l’affection qui relie Fernanda enfant à sa mère. Cette séquence est développée par De André dans les deux strophes suivantes de la chanson, avec le début de la musique. A la différence de la chanson, dans le livre ce passage est clairement inséré dans le contexte de l’enfance et des jeux d’initiation sexuelle et apparaît donc moins comme la métaphore de l’ensemble d’une vie. Ces quatre premiers vers de la chanson correspondent à un long paragraphe du livre où apparaissent les autres enfants, identifiés par leurs prénoms et par leurs rôles respectifs (vache, taureau, veau) dans ce jeu, qui est décrit jusque dans les détails les plus obscènes :

« Io ero la vacca. Genir il toro, Ivanildo il vitello. Camicette e pantaloncini sfilavano via in mezzo al bosco. Lontano da tutti, era il segreto. Gemir muggiva e m’inseguiva. Una fantasia di spinte, toccamenti e fiato grosso. Montava la vacca, indiavolava sopra di me. Si dimenava, cucciolo avvinghiato al piede del padrone. Pisello di bambino e strofinio. Ivanildo il vitello, cuginetto trafelato, s’infilava muso muso in quell’inferno. Inumidiva e succhiava sotto la mia pancia. Oh, Ivanildo cerca la mammella ! La mia piccola mammella. Inghiottita mozzicata. Un solletico, un brivido di gioia. Con Genir appiccicoso e a fiato spento il gioco era finito. Io sfinito. Ma Ivanildo rilanciava : Ehi, c’è la pecora e il montone, il gatto e la gatta. Una domenica zio João sbucò dal nulla e ci scoprì. Prendemmo tante botte, poi riferì tutto a Cícera». [23]          

La description de Iannelli s’attarde sur les actions et réactions des enfants, elle est très incisive avec nombre de verbes d’actions de nature animale (« muggiva e m’inseguiva », « montava (…) indiavolava », « si dimenava », «s’infilava », « inumidiva e succhiava »…). En revanche, la langue n’est pas crue ni impudique quand sont évoquées les zones érogènes: « pisello di bambino », « la mia piccola mammella ». Le sexe est encore un zizi, la poitrine n’est pas caractérisée sexuellement, mais elle est décrite comme mamelle, reliée aussi à sa fonction animale. Le jeu renvoie à l’enfance par le langage même, qui deviendra plus violent dans la deuxième partie du livre, consacrée à la description de la prostitution.

L’importance de ce jeu d’enfant dans le livre est renforcée par le fait qu’il est repris encore par trois fois dans cette première partie consacrée à l’enfance:

« Io ero la vacca, mi piaceva essere femmina con le bambine, coi cugini»;[24] « Per me era ancora un gioco, io la vacca. Ma lui spinse forte e mi penetrò»;[25] « Vengo se facciamo il gioco del toro e della vacca».[26]

Par cette comparaison des textes, on relève que, déjà dans le livre, l’identification du sujet avec la vache (« io ero la vacca ») et la répétition de cette formule assimilent le sujet à l’animal. D’ailleurs, un aspect du travail de réécriture littéraire de Iannelli consiste dans la construction d’un véritable bestiaire à partir des images de la langue de Farìas, d’origine paysanne d’un coté et liées au milieu de l’homosexualité et de la transsexualité, de l’autre. Iannelli construit une série de métaphores animales, avec une progression vers le mal (vacca, veado, bicha, giaguaro, demonio). De André met en relief ces premières images animales, en leur consacrant l’ouverture de la chanson. Son choix du présent, quand le temps du récit dans le livre était imparfait, permet de donner encore plus de force à ces images qui sont, à chaque fois, récrées et fixées dans le temps du présent par la performance du chant.

 

Le fait d’associer l’image de la brebis à celle de la vache, proposée dans le livre comme une variante possible du jeu, avec la répétition anaphorique de « sono », dans les deux hémistiches, (« Sono la pecora sono la vacca ») ne fait que réifier et qu’intensifier la violence de cette association au monde animal, assumée par le sujet lui-même. L’écriture très synthétique de De André le conduit à privilégier certaines images et a abandonner la chute, la punition infligée par les adultes, qui aurait contrasté avec son choix de décontextualiser ces images pour en faire la métaphore d’une condition de vie.

Voyons maintenant comment Iannelli réécrit ce passage clé du livre à partir du manuscrit. D’abord, on observe que dans le manuscrit aussi ce passage apparaît au tout début de la narration, dès la première page, datée du 16 septembre 1991, après la description d’une vie d’enfance menée dans la solitude avec sa mère, à la suite à la mort du père et du départ des frères et sœurs. Les épisodes relatés sont les mêmes que ceux du livre, même si ce dernier souligne le lien affectif avec la mère. Seuls divertissements, les jeux de Fernanda avec ses cousins et cousines :

« Li in quella ità che non sapevo ancora il pecato, che era buone che era male. Mi metevo io più altri 5 o 6 bambini maschetto pere feminusci in mezzo al boschi, li faziamo giochi diversi, mi invergognavo dei bambina voilevo sempre il bambino, mi ricordo murto bene che mi zio almenato il primo, anche un aurto vizino, che, lui sentiva loro due parla cosi Fernandino è la vaca, tu sei il toro io sono il figlio di voi due, si èra moin, tre io quasi arrivando al anni 7 mio primo con 9 anni il amico con 10 anni»[27].

 

Le jeu se déroule dans les bois, lieu autobiographique des campagnes du nord-est brésilien, mais aussi lieu mythique du temps de l’enfance, du récit. Iannelli reprend ce lieu en tant que tel, même si dans l’ambiguïté linguistique de Farìas qui hésite entre un singulier et un pluriel « al boschi », il choisit le singulier, ce qui permet de mettre en évidence le caractère mythique du topos. Cet épisode des jeux d’enfants est repris et développé dans les cahiers de Farìas six mois plus tard, en date du 26 mars 1992. Iannelli place cette séquence au tout début de sa retranscription des cahiers, en la reliant à la précédente:

 

« Fascevanos fitta chi eramos il gado, touro, vaca, vitello. Quisto pero ascosto di nostri digitores, per due volta mi amenado mia madre, altra mio cognato. Mio cognato mi amenato perche mi trovatto desnudo con unautro acavallo di sopra me e un più piccolo solto di me. Eco, io fascevo la vaca, queste autro bambino era il touro, l’altro il vitello».[28]

« Una volta sono andata da giocare da uno vitello fascendo la vaca. Ho prezo una botta di queste toro chi sono rimasta per terra mezza ora. Avevo 12 anni. Il gioco più bruto chi ho fatto. Chi ragiona capisce a che cosa sono andata a fare con questo toro. Io a casa metteva in testa una tovaglia per fare finchi era i capelli lunghi. Poi guardavo come camina le uomo e come caminava le dona. (…) Un giorno ho imitato una cabra, pure mi metteva di ginochio per terra e manni appogiatta come il cbra davero, per tanti volta ».[29]

 

Farìas par son témoignage met en évidence la façon dont ce jeu d’enfant constitue une initiation à sa transgression de genre, à travers le rôle joué, le déguisement, l’observation des mouvements. « Sono la vacca… » : le rôle de la vache lui est attribué par le cousin qui discute avec un camarade: « Fernandino è la vaca » et Farìas parle de « faire » et de « faire semblant », plutôt que « d’être la vache »: « fascevanos fitta chi eramos il gado, touro, vitello » ; « fascendo la vaca ». On remarque ainsi le travail de mise en relief linguistique et narrative de cette image de la vache, opéré dans un premier temps par Iannelli et ensuite approfondi par De André, afin de construire la métaphore. « Sono la pecora… » : dans le manuscrit il n’est pas question de brebis, mais plutôt de chèvre. Cette première image de la chanson, n’est pas développée dans le livre, alors que dans le manuscrit Farìas y consacre une description. Cependant, la connaissance du manuscrit par De André n’est attestée par aucune source, ni par Iannelli, ni par la correspondance conservée aux Archives De André. Le langage du manuscrit est pudique, il ne désigne pas directement les parties du corps comme dans le livre (pisello, mammelle) ou dans la chanson (tette), mais il le décrit de manière générale: desnudo étant le seul référant au corps. Le manuscrit en revanche décrit avec force la violence dans laquelle baigne ce jeu, dans une sorte de jugement moral « in quella ità che non sapevo ancora il pecato, che era buone che era male », « il gioco più bruto chi ho fatto » et souligne les conséquences, notamment sur Fernanda : « sono rimasta per terra mezza ora ». Cette violence est reprise par Iannelli et transférée dans la description de la dynamique du jeu, avec les différentes actions des enfants, en éliminant toute connotation morale. Ce passage, réécrit de manière ponctuelle d’un texte à l’autre, permet de voir les différents choix d’écriture des trois écrivains : la relecture morale de Farìas sur son passé, la mise en évidence de la violence par Iannelli, la construction d’images symboles chez De André.

 

Fantasias, déguisements.

 

Un mot récurrent du manuscrit de Princesa est le mot fantasia[30]. Il a, en portugais une double signification, « imagination, chimère, rêve, folie », mais encore « déguisement », et il est souvent utilisé de manière impropre en italien car seule la première définition coïncide avec celle de l’italien. Ce mot, rare dans le livre et absent de la version finale de la chanson[31], résume la force de ce texte en tant que récit des travestissements et déguisements du personnage principal d’un côté, et en tant qu’image du processus de réécriture de l’autre, chaque réécriture étant un déguisement du récit à chaque fois différent.

Voyons d’abord quelles sont les fantasias, en tant que déguisements, décrites dans les trois textes. Les déguisements de l’enfance d’abord, l’un d’eux déjà rencontré dans le manuscrit, lorsque Fernanda mettait la nappe sur sa tête pour se déguiser en fille, lors du jeu de la vache et du taureau. Cet exemple, pourtant très incisif, n’est pas repris dans les deux autres textes. Cependant, il s’agit d’une première, parmi les nombreuses étapes d’un parcours de travestissement qui aboutira à la décision d’intervenir plus radicalement sur son corps, par les transformations hormonales. Le premier déguisement repris par le livre se situe dans le manuscrit immédiatement après la description du jeu de la vache, dans le même paragraphe du 26 mars 1992, consacré aux jeux d’enfance et intitulé « Il racconti della infanzia de anni 7 fine del anni 13. Il giochi»[32]. Ce premier déguisement est un exemple intéressant de réécriture, selon une modalité différente de celle déjà vue, où les éléments sont modifiés au fur et à mesure des textes et où, pour finir, on ne retrouve pas d’élément commun entre le manuscrit et la chanson. Procédons par ordre chronologique. Pour Farìas le déguisement avec les noix de coco est l’un des nombreux exemples de son penchant pour le féminin :

« Mia madre mi amenada perche mi e trova con una parte del coco (cocco) alcada (attacada) al petto per dire chi era il petto ; Eco cosi io partecipava dei giochi feminille, disciamo, io voilevo sempre fare la parte femminina anzi (barré par Iannelli avec l’écriture anche) si stavamos in mezo dei bambina ».[33]

Dans la réécriture de Iannelli, le texte se transforme ainsi :

«Due mezze noci di cocco furono il mio primo seno. Davanti allo specchio grande, Cícera mi sorprese e botte. Mi coprivo con la mano per vedermi come Aparecida anche tra le gambe. La mia fantasia, pancia tonda e fessura di bambina».[34]

 

Iannelli reprend l’image des noix de coco pour simuler la poitrine qui de petto, plus anatomique, devient seno, plus littéraire et il reprend les coups de la mère (du verbe mi amenada à la nominalisation avec le substantif botte) qui de « mia madre » devient Cícera, dans un effort de caractérisation des personnages, propre à un récit plus narratif. Il ajoute ce mot clé du manuscrit, fantasia, pourtant non utilisé dans cette portion précise du manuscrit, dans un passage où il pourrait très bien garder l’ambiguïté sémantique propre au portugais, de déguisement et imagination. Il introduit également l’élément du miroir et l’allusion au sexe féminin par une métaphore, fessura, fente.

De André développe cette image de Fernanda au miroir, projection idéalisée du sujet au féminin, en reprenant la même image du « specchio grande », et le rêve d’un sexe féminin, que de fente devient « minuscola fica », alors que les noix de coco disparaissent:

 

e io davanti allo specchio grande

mi paro gli occhi con le dita a immaginarmi

tra le gambe una minuscola fica

 

Fica, comme tette auparavant, est un terme plus populaire et familier, lié au registre de l’oralité. Il n’est jamais utilisé dans le manuscrit où le sexe féminin n’est pas dit. Dans la chanson le terme fica constitue aussi le point d’arrivée de la première partie de la chanson dédiée à l’enfance. Introduit en correspondance d’une pause de la chanson, il est ainsi mis en évidence. Il est suivi d’une partie instrumentale, ponctuée par la mandole, la mandoline et le cymbalum jouant un riff en Do7, dans une tonalité majeure qui semble restituer en musique la dimension du rêve. En même temps, ces instruments jouent dans un léger désaccord musical, comme pour mettre en évidence la dimension de la discordance et de la précarité du rêve de Fernanda.

 

Le livre reprend plusieurs autres épisodes de déguisement à partir du manuscrit, notamment la première fois que Fernanda se rend à l’école avec le vernis à ongles et les chaussures de sa mère, les déguisements pour attirer les paysans et les chausseurs dans les bois, le Carnaval, les déguisements nocturnes à Campina Grande lorsqu’elle est étudiante hébergée par sa sœur, dans les clubs des homosexuels à Recife … La chanson dans son économie de parole se concentre plutôt sur la véritable transformation transsexuelle par les hormones d’abord et par les interventions chirurgicales ensuite, noyau central du livre, en approfondissant la question du conflit intérieur du personnage trans :

 

nella cucina della pensione

mescolo i sogni con gli ormoni

ad albeggiare sarà magia

saranno seni miracolosi

 

perché Fernanda è proprio una figlia

come una figlia vuol far l’amore

ma Fernandino resiste e vomita

e si contorce dal dolore

 

De André reprend de Iannelli la description de ce dédoublement, déchirement et tiraillement identitaire qui dans le livre commence avec la description du début de la migration, de Campina Grande vers Recife, première véritable étape de son émancipation[35]. Iannelli souligne le lien entre la métamorphose sexuelle et la dimension du voyage, à travers les métropoles brésiliennes d’abord et vers l’Europe, ensuite, comme deux aspects d’une même réflexion autour de l’identité. En ce qui concerne la dimension de la migration, De André se limite à nommer Bahia et Milan, par contre il développe la description du changement identitaire de Fernanda. Ces deux strophes de la chanson représentent la réécriture suivie d’un autre passage du livre, lorsque Iannelli décrit également la première prise d’hormones :

 

« Anaclin, ventotto pasticche a confezione. Non so aspettare et le bevo tutte insieme frammiste a un frullato di carote. Dentro il letto, occhi al soffitto, aspetto che ad albeggiare siano due seni di magia. Aspetto, come aspettavo l’aereo di mezzanotte. (…) Vomitai una macchia rossa, mi contorsi dal dolore. Fernando mi resisteva, si rivoltava. Durezza del suo corpo. Petto liscio e natiche quadrate. Un uomo. (…) Io ti piegherò, Fernando. I miei José non baceranno un maschio. Venne l’alba e tornò sera».[36]

 

Dans ces passages, dans le livre, comme dans la chanson, le sujet passe de la première à la troisième personne, et, notamment, dans la chanson, la troisième personne est déclinée aussi bien au féminin, « Fernanda è una figlia » qu’au masculin « ma Fernandino resiste», dans une sorte de contraste, qui reprend le premier passage du livre qui décrit le dédoublement identitaire pendant la fugue: « Io sono lì, scisso, inoffensivo, mentre Fernanda scintilla e si racconta, puttana e studentessa. (…) Fernando, sono spettatore di me stessa. Fernanda mi sorprende, inaspettata, liberata»[37]. On ne peut pas s’empêcher de mettre en relation ce glissement du « je » à la troisième personne avec le glissent du récit proprement autobiographique du manuscrit au récit biographique ou romanesque du livre et au récit poétique de la chanson. D’ailleurs ce récit de la prise d’hormones est très sommaire et rapide dans le manuscrit, alors qu’il est central dans le livre et dans la chanson:

« Del ormonio feminile già ho prendevo, ma prendevo sempre dozagio sbagliata, mi vergonav di cheder come devevo prende. Poi in quelli ambiente chi stavo non potevo più fare chuilo chi desideravo di esere, quili chi voilevo. (…) Mà come fascevo io da andar avante lavorando in quella pensione dal centro da cità di Recife lavorando giorno e notte, senza guadanar nezuno soldie».[38]

Le manuscrit ne s’attarde pas sur les réactions physiques à la prise d’hormones, sur la description du changement du corps, comme le font le livre et la chanson, mais plutôt sur les difficultés matérielles de cette vie. Alors que le livre ponctue la narration de l’errance entre les différentes métropoles brésilienne, par le récit de la prise d’hormones, notamment avec la répétition anaphorique de la juste dose de ces hormones, « Anaclin, quattro pasticche al giorno »[39], en en faisant un stylème d’écriture littéraire, d’une page à l’autre, dans le manuscrit la prise d’hormones est décrite dans ce seul passage, sans que les hormones soient identifiées par leur nom. Le manuscrit ne décrit pas non plus l’alternance, le balancement, le déchirement, le conflit entre Fernando et Fernanda. Or, il est remarquable que dans le manuscrit nous ne trouvions pas trace du déchirement identitaire en ces termes. Le sujet autobiographique apparaît toujours à la première personne du début à la fin. Cependant, il se définit au masculin dans la première partie du manuscrit dédiée à l’enfance, et de plus en plus au féminin suite à la décision de se prostituer. Un de rares passages où Farìas parle de soi-même à la troisième personne est lorsqu’elle prend la décision de devenir une prostituée:

 

«Mi guradavo da vanti al specchio, min sentivo con un nautro fisico. Fatto una notte di lavoro di massiapedi. Me trovato bene. Guardanato soldie quasi la mettà del stipendio chi guardanavo al mezi. Poi ho scritto di no(vo) a casa. Fascevo il lavoro, anche desidito da fare la putana. Ormai già stavo preparado(a). Ho prezzo la dezizione di fare la Fernada da vero. Notte il giorno. Come una putta». [40]

 

La décision de se transformer, de construire, de « faire » le sujet féminin est dite avec la décision de devenir une prostituée, donner vie à une création, devenir autre que soi en quelque sorte. Voici comment Iannelli réécrit le passage :

 

«Io faccio la puttana, ecco il punto. Batto il marciapiede con altre venti, trenta transessuali. Sono desiderata. Mi esibisco al femminile, Fernanda ed è spettacolo».[41]

 

L’ancien brigadiste donc crée un conflit identitaire qui n’est pas directement exprimé dans le manuscrit original, de même que son corps est décrit avec plus de pudeur, et que les interventions chirurgicales ne sont que brièvement racontées :

« La novembre de anno di 1985 fatto la prima aplicazione del silicone al fianche. Dopo, al dezembre fato la cirurgia del protesi al petto. Li statto la 2° fase bruta della mia vitta. Il dotoure mi datto 20 giorni di riposso ».[42] « Genaio di 1986 stavo a Rio de Janeiro. (…)fatto dinovo unautra aplicazione de silicone al fanchi, per meter aposto laltra protese era bisogno ancora altri sei mezi per la pelle avere resistenzia».[43]

 

Dans le livre ces interventions sont reprises dans ces indications précises et puis développés sur plusieurs pages[44], décrivant la bombadeira, Severina, et le docteur Vinicius, et surtout les réactions de Fernanda par rapport à son nouveau corps, développement dont on ne retrouve pas de trace dans le manuscrit :

« Novembre millenovecentottantacinque, Severina, nella sua casa, mi bomba i fianchi con iniezioni di silicone liquido. Senza anestesia.

Dicembre millenovecentottantaciqnue, il prof. Vinicius, nella sua clinica mi applica le protesi di silicone ai seni. Con anestesia».[45]

 

A un tel point que De André consacre une strophe à cette intervention chirurgicale et à la sensation associée, en résumant ces différents passages du livre:

 

e allora il bisturi per seni e fianchi

in una vertigine di anestesia

finché il mio corpo mi rassomigli

sul lungomare di Bahia

 

La mise en scène de ce corps rénovée, le long de la mer de Bahia, réécrit de manière plus libre un autre passage : « Vado in spiaggia. Nel formicaio sono una tra le altre (…): una donna»[46].

 

Il se peut qu’une narration plus détaillée de la part de Farìas soit confiée à la correspondance avec Iannelli, lorsque ce dernier lui demandait des éclaircissements, par rapport au processus d’écriture en cours. Ou il peut encore s’agir de la pure fiction de la part de Iannelli, engagée quand même dans la construction d’un roman, même si de type biographique. La connaissance de l’ensemble du manuscrit permettrait de résoudre cette question. Dans tous les cas de figures, la réécriture de Iannelli est extrêmement incisive, elle se superpose complètement au manuscrit, en donnant naissance à un autre texte.

Comme nous l’avons vu, De André suit le livre dans la description du déchirement identitaire de la strophe 7, strictement liée à la strophe 11 où le chanteur décrit l’aboutissement de ce déchirement identitaire et prononce finalement le prénom de Princesa :

 

che Fernandino mi è morto in grembo

Fernanda è una bambola di seta

sono le braci di un’unica stella

che squilla di luce di nome Princesa

Si la réécriture de De André suit pas à pas le livre pour les huit premières strophes, selon des modalités de réécriture près du texte et de synthèse que nous avons pu voir, dans les quatre dernières strophes, qui correspondent à la description de la prostitution et de l’amour, les procédés de réécriture sont plus libres. De André se nourrit de la narration de Iannelli et des expressions du livre, qui sont réutilisées dans d’autres contextes et enrichies par d’autres images. C’est le cas du passage qui reprend l’image de l’étoile et du nom de Princesa à partir de deux passages différents du texte, decontextualisés.[47] Le sujet queer, à la troisième personne est décrit au-delà du sujet masculin, mort sur son ventre, et au-delà du nouveau sujet féminin, dont le chanteur aperçoit le coté éphémère en la décrivant, avec une image originale, comme une poupée de soie. La métaphore de l’étoile dont les braises sont les identités antérieures, masculine et féminine, de Fernandino et Fernanda est l’image, d’un nouveau sujet à la troisième personne, Princesa, sur lequel la voix de De André s’attarde, en ralentissant, avec une tonalité mineure et une voix plus intime, comme pour suggérer l’intensité et la fragilité de son existence. Princesa est décrite à nouveau à la troisième personne dans la strophe finale de la chanson qui décrit enfin l’amour pour un avocat milanais à qui « ora Princesa regala il cuore ».

 

 

Finir autrement

 

La réécriture de la chanson s’arrête sur cette strophe, avant le chœur de mots brésilien, sans aucune référence à la prison. Le finale est très différent de celui du livre comme de celui du manuscrit, De André s’arrêtant à la séquence précédente celle de la tentative d’homicide et de l’incarcération, privilégiant ainsi un final ouvert et non dramatique. Par l’avant dernier mot « pénombre », qui reprend celui de « clair obscur » du vers 6, il surligne la condition même du sujet queer, situé dans une ambiguïté structurelle entre deux sexes. Le texte est suivi par le chœur final, écriture originale de De André, à partir des mots qui, selon les intentions de l’auteur, représentent les « signes sur la peau » de cette vie[48]. Ce parcours d’écriture pointilliste se conclut sur le mot viver. Malgré les difficultés, De André reconnaît la profonde charge vitale de ces parcours aux marges. A travers ce chœur final, on observe que le plurilinguisme interne de l’interlangue du manuscrit est comme scindé en deux dans la réécriture de De André, dans un face à face entre italien et brésilien, qui est également une image linguistique du déchirement entre la nature masculine et féminine du personnage. Ce diptyque est tenu ensemble par l’hybridation de la composition musicale, image en musique aussi bien de l’interlangue du manuscrit, que de l’identité hybride du sujet queer. Parmi les raisons qui ont déterminé le choix de chœur brésilien, De André cite aussi les assonances et la continuité entre la langue brésilienne et le dialecte génois, avec lequel il avait composé l’ensemble de l’album Creuza de mä (1984) : « la lingua di Genova ha una parentela fonetica col portoghese, come lo parlano in Brasile »[49]. Pour De André, donc, le brésilien n’est pas une langue si étrangère. En outre, en inaugurant son dernier album avec ce chœur, De André reconnaît ainsi qu’elle fait désormais partie des langues minoritaires parlées en Italie, grâce à la migration, au même titre que les autres langues présentes dans Anime Salve, le génois du chœur de Dolcenera et les refrains en langue rom de Khorahané.

 

En revanche, la conclusion du livre est totalement différente : le bestiaire se conclut avec l’image du démon, métaphore de la migration en Europe et, en consonance avec l’esthétique du livre, le final met en scène la chute extrême vers le mal, qui correspond à la séropositivité de Fernanda et à l’incarcération, « quest’altro inferno dove ora vivo e che ho deciso di non raccontare »[50], là où ce « je » du personnage narrateur correspond à la volonté du « je » de l’auteur Maurizio Iannelli, plutôt qu’à celle de Farìas. Iannelli établit un sens à l’histoire et donne une connotation tragique aux événements, en construisant ainsi une fiction, même si elle est fondée sur des faits tous réels. En ce sens, on pourrait utiliser le terme de docu-fiction, pour définir ce genre mixte entre biographie et fiction, terme qui constitue une méthode de travail, pour Iannelli du moment qu’il l’utilise aussi pour sa production cinématographique postérieure, avec la maison de production Bastoggi docu & fiction[51]. Le manuscrit, comme nous l’avons dit, consacre en revanche la partie finale rédigée en mars 1992, au récit de la vie de deux années passées en prison. Farìas y décrit la vie au quotidien, les suites du procès, la rencontre avec Giovanni Tamponi, les difficultés vécues dans la section des transsexuels … Finalement et de manière inattendue, le manuscrit se termine avec « Il racconti dei sogno », une section d’écriture datée du 17 avril 1992 et consacrée à la description des rêves qu’elle fait depuis son incarcération. Le manuscrit est donc un journal intime, un témoignage de vie, qui d’un coté revient sur le passé, et de l’autre registre le temps présent de l’incarcération, une écriture du souvenir et du contact direct avec la réalité, un récit des rencontres les plus crues, des rencontres carcérales à l’origine de l’écriture même, comme en témoignent mieux les lettres, jusqu’à l’ouverture sur l’imaginaire des rêves. Ces trois épilogues sont emblématiques de ces trois projets d’écriture différents.

 

Enfin, nous nous demandons à quoi correspondent ces trois parcours d’écriture dans l’intention de chacun de ces auteurs et comment la subjectivité de chacun d’entre eux entre en jeu dans l’écriture de son texte, en se déguisant derrière la narration de l’histoire de Fernanda. Si dans chaque autobiographie il y a une partie de fiction, autour de la construction du « je »[52], quelle est la fiction que Farìas de Albuquerque fait glisser dans son récit de la vie de Fernanda ? Et à l’inverse quelle est la part d’autobiographie que Iannelli et De André mettent en jeu dans leurs narrations de cette même histoire? Chaque auteur poursuit une fantasia personnelle, selon la double signification portugaise du terme, imagination du réel, déguisement du réel, vision de l’esprit d’un coté, travestissement de soi de l’autre. Farìas de Albuquerque prend la parole, se révèle, révèle le sujet queer à travers ce texte, se construit, survie à sa vie à travers l’écriture. Cependant, tout en se projetant sur la scène, elle est par la suite cachée, déchue, transfigurée, prévariquée en quelque sorte, car son histoire et sa langue sont insérées et transformée dans un circuit qui dépend tout entier de la société d’accueil, par le biais de deux auteurs qui appartiennent au genre dont elle veut se défaire. Son manuscrit et sa langue sont oubliés.

Si d’un coté Iannelli a permis la diffusion de ce récit de vie, de l’autre, il l’a complètement modifié par son écriture. La réécriture de Iannelli va bien au delà du travail éditorial, il ne fait pas que récupérer une voix et une narration qui seraient autrement perdues, mais il intervient en tant qu’écrivain sur ce récit, en modifiant profondément la nature de cette première voix. Notamment, dans le livre la dimension du voyage est mise en relation avec la transformation identitaire, dans une sorte de parcours / roman de formation, avec la chute finale dans l’Enfer de la prison, alors que le récit autobiographique ne pose pas ces repères, ces valeurs et ces marges à sa narration. Si le récit est clairement autobiographique pour le manuscrit original, la question du genre littéraire se pose par rapport au livre édité. S’agit-t-il d’une autobiographie, puisqu’il la publie aussi sous le nom de Fernanda Farìas de Albuquerque, d’une biographie, puisque Iannelli la publie également sous son nom, d’une œuvre de non fiction, puisque tout ce qu’il raconte est tiré de la réalité, d’un docu-fiction étant donné que la réalité est soumise à un procédé d’intensification littéraire, d’un roman, puisque le matériel narratif est soumis à un travail élaboré de montage, de construction et d’écriture littéraire ? Autant de question qu’il est important de laisser ouvertes et qui montrent de l’intérieur la fabrication et le fonctionnement de la machine littéraire. Iannelli écrit ce livre dans les années qui suivent l’abandon officiel de la lutte armée, avec le début du parcours de sortie de la prison, qui sera effective dix ans après. Nous nous demandons si cette histoire de violence, cette biographie d’une métamorphose à travers la violence qui est son histoire de Fernanda, ne soit pas également la réécriture métaphorique de son propre parcours d’engagement dans la lutte armée jusqu’à la chute finale, avant l’incarcération ? La fascination et le support que Iannelli déclare avoir retrouvé en Guimarães Rosa pour l’écriture de ce livre fournissent d’autres éléments utiles à cette hypothèse. En effet, le Grande Sertão : veredas (1956) est un immense roman qui se passe dans le nord-est brésilien, et qui décrit la guerre entre un groupe de dissidents, les jagunços et l’armée brésilienne, avant leur capitulation. Mais il s’agit aussi du roman de l’amitié entre Riobaldo, le jagunço et Diadorim, qu’à la fin l’on découvre être une femme qui s’était déguisée en homme. Il nous semble que ce livre de Guimarães Rosa réunit les deux expérience de Iannelli, sa lutté armée avec les Brigades Rouges d’un coté et sa rencontre avec Fernanda Farìas de Albuquerque de l’autre, en lui suggérant un nouveau voyage, dans le sertão du nord est brésilien, dans la sexualité, dans l’écriture. Guimarães Rosa appelait ce livre son « autobiographie irrationnelle ». La question que nous nous posons désormais est si Princesa ne représenta pas également une autobiographie irrationnelle pour Iannelli ? L’ancien brigadiste ne se déguise pas derrière l’histoire de Fernanda, et à travers sa vie, il ne revisite pas également son expérience de violence à travers la lutte armée, dans un moment de transformation identitaire ?

Pour De André Princesa représente le chant initial d’un album dédié à la diversité et à la solitude de ceux qui voyagent obstinément en direction contraire. Princesa est donc le symbole extrême de la personne qui pour être proche de son ressenti arrive à modifier même son propre corps. Si Iannelli avait intensifié l’élément de la violence, De André met en évidence l’élément du rêve et de la précarité, à travers des métaphores poétiques, et il fait recours aux mots de clair obscur et de pénombre pour définir cette condition d’indéfinition. Nous nous demandons si De André ne projette pas l’image du poète, proche de son ressenti et des ambiguïtés de l’existence dans l’histoire de Fernanda et si ses métamorphoses ne sont pas une image du travail du poète ?

 

A travers ces déguisements et ces fantasias, la réécriture autour de Princesa permet de dévoiler certains enjeux de la littérature de la migration, et de la littérature tout court, de voir le coté construit, stratégique et contextuel de la littérature.

 

Qui est l’auteur, se demande Philippe Lejeune ? Le processus de réécriture de Princesa met en évidence l’aspect collectif, la multiplicité de rencontres et des réécritures successives, liées à différentes instances auctoriales, malgré l’aura d’absolue individualité qui enveloppe la notion même d’auteur, écrivain ou chanteur. Cependant, Farìas de Albuquerque est le maillon faible, celle qui est à l’origine, celle qui met en route, qui fourni le matériel, mais qui est réduite à l’état de « source »[53], celle dont la création a été exclue de cette chaîne de transmission. « Dans l’écriture comme ailleurs, l’ « autorité » est toujours du côté de celui qui a le pouvoir »[54], nous rappelle Lejeune, même si il s’agit d’un pouvoir antagoniste, d’un contre pouvoir, comme dans le cas d’un ancien brigadiste ou d’un auteur interprète tel Fabrizio De André. La réécriture de Princesa soulève également la question linguistique, car l’italien de ces textes se construit dans un rapport vivant avec le brésilien, la langue littéraire se construit dans le rapport avec une langue étrangère, en devenant elle même une langue étrangère. Enfin, cette réécriture montre les difficultés de la définition du genre, et la porosité de genres littéraires, entre autobiographie, récit de vie, biographie, roman, poésie, chant documentaire et fiction du réel, dans ce cas spécifique. A travers cet itinéraire de réécriture, il est possible d’entrevoir la dimension de la littérature comme rencontre, relations de pouvoir, compromis, contrat, pacte…

Si De André a permis de donner à Princesa une notoriété et une place à part au sein de la littérature de la migration, nous ne pouvons pas ne pas remarquer l’oubli du texte d’origine, par ces deux remarquables réécritures d’auteurs, qui même si de la part des auteurs en provenance d’autres marges de la société, ont en réalité constitué les deux seules versions autorisées de cette altérité, du sujet subalterne, de cette altérité queer, qui reste toujours à découvrir. L’analyse des mécanismes de réécriture permet de redonner au manuscrit sa place centrale, malgré son opacité dont Edouard Glissant nous a appris les vertus[55].

 

[1] Alessandro Portelli, «La figura di una donna», in Caffé, n. 1, settembre 1994, pp. 4-5.

[2] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano. Copia iniziale di lavoro conforme all’originale manoscritto, Rebibbia, 1992, non édité, pp. 16-17, p. 23.

[3] Le terme queer (de l’anglais « étrange », « peu commun ») est à l’origine une insulte vis-à-vis des personnes hors de norme sociale hétérosexuelle. Dans les années 1980, le mouvement queer devient un courant de pensée américaine, issue de Gender studies, affirmant l’émancipation du sexe à l’égard du genre. La théorie Queer, fondée par Judith Butler, revendique le libre choix du genre et du sexe, qui sont multiples et changeants. Le mot queer est devenu ainsi un terme courant associé à des comportement sexuelles ne correspondant pas à l’hétérosexualité.

[4] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, Roma, Sensibili alle foglie, 1994 (dernière édition, 2009).

[5] Alessandro Portelli, «La figura di una donna», in Caffé, op. cit.

[6] Maurizio Iannelli, «Brevi note di contesto», in Princesa, op.cit. p. 10.

[7] Giovanni Privitera, « Une Smisurata réécriture », in Traces d’autrui et retours sur soi. La réécriture 2. Jeux, échanges et hommages, CAER (EA 854), Cahiers d’études romanes, nouvelle série, n. 20/2, Université de Provence, 2009, pp. 409-428.

[8] Fabrizio De André, Smisurata preghiera, (1996).

[9] Cesare G. Romana, Smisurate preghiere. Sulla cattiva strada con Fabrizio De André, Roma, Arcana 2009 (I éd. 2005), p. 214.

[10] Cesare G. Romana, Smisurate preghiere. op. cit., p. 216.

[11] Le travail de réécriture de textes littéraires était pratique courante chez De André et a traversé sa production, comme en témoignent la chanson la Ballata degli Impiccati (1971) inspirée par François Villon, le disque La Buona Novella (1970) réécriture des évangiles apocryphes arménien, byzantin et grec, et l’album Non al denaro, non all’amore, né al cielo (1971) inspirée de l’anthologie de Spoon River d’Edgar Lee Masters. 

[12] http://www.asb.unisi.it/sbstree/frames.aspx?sys_figlio=000015053 (consulté le 18 avril 2011). Il est possible de consulter on-line la description des documents de l’archive.

[13] Silvia De Santis, Da de Albuquerque a De André. La migrazione intertestuale di Princesa, tesi di laurea triennale in Critica letteraria e letterature comparate, sous la direction de Ugo Fracassa, Università degli Studi Roma Tre, année académique 2009/2010.

[14] Franco Fabbri, «Il cantautore con due voci», in Romano Giuffrida, Bruno Bigoni (éd), Fabrizio De André. Accordi eretici, Milano, RCS, 2008, pp. 155-167.

[15] Cesare G. Romana, Smisurate preghiere.op.cit., pp. 225-226.

[16] Armando Gnisci, «La letteratura italiana della migrazione (1998)», in Creolizzare l’Europa. Letteratura e migrazione, Roma, Meltemi, 2003, pp. 86-88 ; Graziella Parati, Migration Italy. The Art of Talking Back in a Destination Culture, Toronto, University of Toronto Press, 2005, p. 58; Daniele Comberiati, Scrivere nella lingua dell’altro. La letteratura degli immigrati in Italia (1989-2007), Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2010, pp. 53-72.

[17] Chiara Mengozzi, « Strategie e forme di rappresentazione di sé nella letteratura italiana della migrazione », in Les mouvements migratoires entre réalité et représentation, Italies, n. 14, Université de Provence, 2010, pp.381-399.

[18] A ce propos un document unique et précieux est l’interview à Maurizio Iannelli et Fernanda Farias de Albuquerque réalisée par Alessandro Portelli, « La figura di una donna » in Il Caffé, op. cit.

[19] Au cours de notre entretien, Maurizio Iannelli nous a révélé que les rapports établis avec De André l’avaient été exclusivement par téléphone, et que la réécriture s’était faite à partir du livre et non du manuscrit.

[20] Philippe Lejeune, Je est un autre. L’autobiographie, de la littérature aux médias, Paris, Seuil, 1980.

[21] Ugo Fracassa, « Strategie di affrancamento : scrivere oltre la migrazione » in Lucia Quaquarelli (éd.), Certi confini. Sulla letteratura italiana dell’immigrazione, Milano, Morellini, 2010, pp. 179-199 ; p. 185.

[22] Sur le concept de mainstreaming voir : Davide Strazzari, « Gender mainstreaming : genesi di un termine comunitario e le difficoltà della sua traduzione » in http://ec.europa.eu/dgs/translation/rei///gruppi/pareremainstreaming.pdf (consulté le 10 avril 2011)

[23] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 14.

[24] Ibidem, 17.

[25] Ibidem, p. 20.

[26] Ibidem, p. 23.

[27] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano. op. cit. p. 1.

[28] Ibidem, p. 2.

[29] Ibidem, p. 3.

[30] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano. op.cit., pp. 18, 42, 67, 69, 91.

[31] De André dans un premier temps avait intégré ce mot, en hésitant sur plusieurs versions « una mancanza di fantasia/ e il mondo manca di fantasia/ (che) solo un vuoto di fantasia (…) ancora un poco di fantasia… » BLF Archivio Fabrizio De André IV/162 (D. 0/143), cité in Silvia De Santis, Da de Albuquerque a De André.op. cit., p. 19. Il avait repris ce vers de la partie du livre qui décrit la fugue de Campina Grande à Recife, première étape de son émancipation: « Per me una colpa, uno smarrimento in un mondo che non aveva la fantasia per inventarmi senza disprezzarmi », Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 38.

[32] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano, op.cit, p. 2.

[33] Ibidem, p. 2.

[34] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 16.

[35] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 36.

[36] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 42.

[37] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 3­6.

[38] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano, op.cit, p. 31.

[39] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 52, p. 54, p. 57.

[40] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano, op.cit, p. 39, datée le 31 décembre 1991.

[41] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 44.

[42] Fernanda Farias de Albuquerque, Princesa. Sono venuta di molto lontano, op.cit, p. 42.

[43] Ibidem, p. 43.

[44] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., pp. 59-62.

[45] Ibidem, p. 59.

[46] Ibidem, p. 60.

[47] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 41 et p. 52.

[48] «Dicevo molte emozioni dovute a molte perlopiù atroci esperienze del protagonista che però abbiamo preferito confinare in alcune parole emblematiche cantante in coro alla fine del brano: quelle parole vogliono rappresentare semplicemente i segni sulla pelle che porta un comune mortale dalla vita particolarmente difficile.» BLF Archivio Fabrizio De André IV/41, cité in Silvia De Santis, Da de Albuquerque a De André.op. cit., p. 22.

[49] Cesare G. Romana, Smisurate preghiere.op.cit., p. 216.

[50] Fernanda Farias de Albuquerque, Maurizio Iannelli, Princesa, op. cit., p. 103.

[51] Matilde D’Errico, La vita come un film. Da Residence Bastoggi la docufiction in Italia, Arezzo, Zona Editrice, 2005. Séries télévisuelles et cinématographiques réalisées par Iannelli: Residence Bastoggi (avec Claudio Canepari, Rai Tre, 2003), Hotel Elvetia (Rai Tre, 2004), Rebibbia G8 (Rai Tre, 2004), Buon lavoro ladri (Rai Tre, 2005), Liberanti (Foxcrime, 2006/07), Reparto Trans (avec Matilde d’Errico et Marco Penso, Foxcrime-Cult, 2008), Città criminali (La7, 2008/09), Amore criminale (avec Matilde d’Errico, Rai Tre, depuis 2006).

[52] Francesco Bruni (éd), In quella parte del libro de la mia memoria : verita e finzioni dell’ io

autobiografico, Venezia, Marsilio, 2003 ; Omacini Lucia (éd), Le statut du sujet dans le récit de mémoires,

Padova, Unipress, 1999; Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1980.

[53] Philippe Lejeune, Je est un autre. op. cit., p. 237.

[54] Philippe Lejeune, Je est un autre. op. cit., p. 250.

[55] Edouard Glissant, Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990, pp.125-134, pp. 203-209.

 

Anna Proto Pisani, « Itinéraire d’une réécriture. Fantasias et déguisements autour de Princesa » in Perle Abbruggiati (éd), L’autre même. La réécriture 3, Cahiers d’études romanes, nouvelle série, n. 24/1, 2011, Université d’Aix Marseille, pp. 185-212 : http://etudesromanes.revues.org/995